Nomadland : dans le sillage de Fern, les chemins de la précarité et de la liberté

Un jour tout bascule.

Fern avait un mari, un travail, une maison.

Une mauvaise distribution des cartes tout à coup : le mari meurt, l’entreprise ferme. Et voilà Fern qui laisse sa maison en face du désert et choisit la route et la précarité d’une vie au jour le jour avec son lot d’incertitudes, à la merci d’une nature immense et sourde dans laquelle on ne peut que se fondre sans jamais y trouver d’autre réconfort que sa seule présence insensible aux détresses humaines : on vit, on se rencontre, on est seul dans les grands froids comme dans la fournaise.

Les solidarités s’installent. Des liens se créent. On échange des outils, de la nourriture, des confidences de vie. On se faufile entre les mailles d’un système qui vous a broyé depuis longtemps. Petits boulots et mains tendues apportent le réconfort quand se réinstallent les instincts de survie des premiers pionniers d’une Amérique lointaine qui a oublié ses propres enfants, quand les spéculations de toutes sortes dressent des frontières infranchissables entre des êtres d’une même fratrie. Certains ne résistent pas à l’appel du la famille retrouvée comme Dave qui s’investit pleinement dans son nouveau rôle de grand-père, d’autres n’arrivent même plus, comme Fern, à dormir sous un toit, dans un lit, immergés dans une nature grandiose qui hurle et tempête mais dans laquelle vous vous sentez en vie et en osmose.

Nomadland est un grand film qui ouvre une réflexion sur notre monde ultra connecté qui laisse en chemin nombre d’entre nous. Jamais moralisateur ni verbeux, il montre combien la vie reste précaire quand tout un chacun peut basculer un jour dans les ornières du déclassement. Il reste alors le choix de gagner sa dignité dans cette liberté qu’offre la route, la nature et l’espace, une autre forme d’existence.

Frances McDormand qui rafle, avec son interprétation, condensée et sensible, son troisième oscar (après ceux pour Fargo, en 1997, et Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance, en 2018) nous touche sans jamais tomber dans un pathos délétère. La sobriété de son jeu laisse toute la place à une poésie étincelante comme le diamant sans étouffer le propos du film de Chloé Zhao.