Salon de lecture / Chris Adrian : Une nuit d’été

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Une nuit d’été est un roman atypique, déroutant, difficile d’accès que l’on connaisse ou non la pièce de Shakespeare. Malgré quelques moments de grâce où l’on peut se laisser porter par la lecture, l’ensemble est d’une complexité tortueuse, tant dans la construction du roman que dans les scènes dont la féerie est loin d’être une idyllique promenade dans un monde où la magie résoudrait tout dans le meilleur des mondes. L’aburdité des deux mondes, réel et féerique, qui se côtoient et parfois s’entremêlent, se heurte à la recherche de toute logique narrative. Elle est présente cependant et le lecteur se voit transporté d’un monde à l’autre, du présente au passé, tout en marchant inexorablement vers un dénouement qui laisse sans voix, comme abasourdi après un dernier tour de magie, inattendu, violent et incompréhensible.

De lien avec Shakespeare, on retrouve la querelle entre les deux époux Titania et Obéron. Elle est ici terrible et désenchantée. Parce qu’au-delà de la question de l’amour, le livre pose finalement la question de la mort : celle du jeune fils adoptif de Titania et Obéron, frappé de leucémie, celle de Ryan, le suicidé, et finalement, celle hallucinée et lumineuse d’Henry, assassiné par Titania. Et si Will et Molly trouvent enfin un véritable amour, c’est bien de mort qu’est peuplé ce roman. De mort, de questions, de pourquois. Et malgré les tours de magie, les changelins, les elfes, les animaux fantastiques, l’arbre merveilleux du jardin de Carolina, cette « nuit d’été » n’est qu’un gigantesque pont entre la mort d’un fils, frappé de maladie incurable et celle de son médecin, Henry, frappé en plein coeur par un sabre en bois tenu par une mère folle de douleur et d’impuissance. Et celle-ci, la terrible et gigantesque Titania, malgré ses pouvoirs et son éternelle et prométhéenne jeunesse, n’a d’autre alternative que la fuite vers ailleurs dans un moment qui semble être apparenté à la fureur et au caprice.


Chris Adrian, Une nuit d’été, Albin Michel, Paris, 2016, 445 pages